Vu au cinéma en 2014, épisode 4 (spécial été !)
Petite revue post-estivale des films vus en salle en juillet et en août de cette année. Au programme du moyen, du bon et du très bon ! Comme quoi cinéma et été sont des mots qui vont très bien ensemble.
A la recherche de Vivian Maier, de Charlie Siskel, John Maloof
Commençons d’abord par ce qui pourrait bien être LE documentaire de cette année 2014. Une histoire tout aussi incroyable et romanesque que celle de "Sugar Man". Sauf qu’il n’est point question ici de musique mais de photographies. Celles prises en catimini par une nounou pas comme les autres dans l'Amérique des 50 à 70, soit des milliers de clichés jamais montrés à personne et qui ont été rachetés un jour par un type dans une vente aux enchères. Des photos qui vont se révéler dignes des plus grands photographes du siècle dernier. Mais ce documentaire est aussi occasion de découvrir à travers de nombreux témoignages l’histoire d’une femme étrange et complexe qui n’a jamais cherché à faire connaître un art qu’elle ne devait sans doute pas considérer comme tel. Un documentaire captivant, fascinant et tellement incroyable qu’on pourrait croire à une supercherie. Mais en fait non. [8.5]
Les combattants, de Thomas Cailley
Reconnaissons au film une certaine originalité, une envie de faire sonner les dialogues autrement, de montrer des scènes parfois absurdes, assez improbables, à en devenir drôles, mais aussi de raconter une histoire assez étrange, presque improbable avec un duo de personnages aussi fantasque qu’imprévisible, deux jeunes adultes aux caractères bien opposés incarnés par deux acteurs concluants (Adèle Haenel, Kevin Azaïs) qui décident pour des raisons différentes de se lancer dans une préparation militaire. Présenté à tort comme une comédie, Les combattants est un premier film intéressant qui part un peu dans tous les sens (on pense autant aux frères Larrieu qu’à Téchiné) et dans lequel on trouve plein de signes qui nous font dire que Thomas Cailley est une jeune cinéaste prometteur. [7.0]
Party Girl
Du côté de Forbach, en Moselle, une ex-entraineuse, une femme de cabaret avec pas mal d’heures de vol au compteur décide sans trop y croire,d’accepter la demande en mariage d’un client fou amoureux d’elle. Prise entre le désir de couper avec le métier et la peur de se perdre dans une vie monotone, loin des lumières rouges de la nuit, Angélique hésite et puis accepte finalement.
Film réalisé et tourné par des membres d’une même famille, Party Girl séduit par le jeu incroyablement juste de ses acteurs pourtant non professionnels, par la manière de filmer au plus près de son sujet et de ses personnages et de raconter la vie de ce coin paumé de la Lorraine, à la frontière allemande. Sans apitoiement, ni misérabilisme, avec des personnages ni mauvais ni mauvais, les trois auteurs signent un film beau et touchant sur la vie tumultueuse d’une femme incroyable, libre, amoureuse des hommes et de la nuit au point d’avoir délaissé ses enfants. [8.0]
Blue Ruin, de Jeremy Saulnier
Annoncé comme un revenge movie, "Blue Ruin" vaut mieux que ce sous-genre d’autant qu’il lorgne aussi du côté du thriller, du film psychologique… Pour son second film (le premier n’a pas été distribué en salles chez nous), Jeremy Saulnier révèle une belle maitrise et un style déjà bien établi malgré le côté un peu inabouti du scénario notamment dans la dernière partie qui nous laisse un peu sur notre faim.
Avec un sens de l’épure, avec une mise en scène et une esthétique soignée, "Blue Ruin" est un film de genre malgré tout captivant, au rythme assez lent mais avec une tension permanente et dans lequel la violence semble prête à exploser à n’importe quel moment. Vous voilà prévenu. [6.5]
Le beau monde, de Julie Lopes Curval
Sorte de Vie d’Adèle soft et en mode hétéro, Le beau monde est une réalisation modeste dans laquelle on découvre une jeune femme issue d’un milieu modeste qui voit par hasard s’ouvrir à elle les portes de monde de l’art de la broderie grâce à une bourgeoise normande dont le fils est en fait son petit ami. Sans prétention, la réalisatrice signe un film délicat avec une Ana Girardot très convaincante dans le rôle de la fille pétrie de doutes et qui se demande si elle doit renier ses origines pour réussir ou pas. Un thème classique pour un film forcément pas très original mais qui a le mérite de nous balader sur les cotes Normandes mais aussi de nous interroger sur le cas de ces jeunes adultes qui un jour éprouvent le besoin de se libérer du carcan familial pour trouver leur voie. Plaisant. [7.0]
Boyhood, de Richard Linklater
Boyhood était annoncé comme un événement car tourné sur une durée de 12 ans avec des acteurs qui vieillissent au même rythme que leurs personnages dans un film qui raconte l’évolution d’une famille sur cette même durée, entre divorce, remariages, déménagements et crise d’adolescence. Habituellement représenté de manière artificielle au cinéma, le temps qui passe est donc ici bien réel et constitue en grande partie une des clés de la réussit de ce film. Avec une mise en scène réduite à sa plus simple expression (c’est le seul point faible du film), Richard Linklater signe une saga familiale de 2h45 bouleversante et dans laquelle on ne s’ennuie pas une seule seconde malgré l’apparente banalité des choses qui se déroulent sous nous yeux. Car le talent de Linklater et la justesse du jeu des acteurs font de ce film un petit miracle de cinéma, un film émouvant qui renvoie au spectateur mille questions sur le temps qui passe, la vie, les enfants, l’amour. Un beau moment de cinéma. [8.5]
Maestro, de Léa Fazer
La belle surprise de l’été 2014 avec pourtant un sujet pas évident ! Maestro nous plonge dans les coulisses du dernier film de Rohmer (Les Amours d’Astrée et de Céladon). Avec un scénario imaginé par Jocelyn Quirvin (décède ne 2009) suite à son expérience comme acteur sous la conduite de Rohmer pour ce film, la réalisatrice Léa Fazer reprend le projet et signe une comédie romantique chaleureuse et pleine de charme avec un Michael Lonsdale adorable dans le rôle du vieux réalisateur épicurien et espiègle. On y découvre, entre autres, les conditions incroyables dans lesquelles Rohmer réalisait ses films, avec des budgets serrées, loin des superproductions, l’occasion pour le spectateur d’assister à des scènes drôles et cocasses et de confirmer que ce Pio Marmaï a du charme et du talent à revendre. [7.5]