Vu au cinéma en 2015 : épisode 8 (octobre - novembre)
Avant-dernière revue de l'année avant le top 2015. Avec L’hermine, The Lobster, Strictly Criminal, Ni le ciel ni la terre, Les cowboys, Notre petite sœur, Seul sur Mars, Le Fils de Saul.
Strictly Criminal - Scott Cooper
Après le très beau Crazy Heart et le raté Les Brasiers de la Colère, Scott Cooper met en scène Johnny Depp, qui ressemble ici à un papi vampire, dans un rôle de méchant comme rarement il en a interprété. Polar, thriller à l’ancienne, Strictly Criminal nous raconte l’histoire d’un malfrat de Boston qui doit sa réussite au pacte qu’il a passé avec la police locale qui le protège en échange d’informations. Scénario, mise en scène et reconstitution solide pour un film de facture classique mais très rythmé, très fluide avec une scène repas assez marquantes. Un film très divertissant avec comme principal son attrait le terrifiant James "Whitey" Bulger, un chez de gang psychopathe bien campé par un Johnny Depp sur le retour et pour le coup méconnaissable. [8.0]
Les cowboys - Thomas Bidegain
Le premier film du scénariste d’Audiard sur Un prophète, présent à la quinzaine des réalisateurs, était très attendu. Sans être forcement un grand film, Les cowboys séduit et réussit globalement son pari, celui de raconter une histoire familiale sur dans une époque bouleversée par la montée du djihadisme. Thomas Bidegain construit une histoire qui va là où ne l’attend pas forcément, il fait des choix de scenario parfois assez étonnants et qui en tout ça nous tiennent en haleine du début à la fin. Si j’ai toujours un peu de mal avec François Damiens auquel il manque sans doute un fond de subtilité dans son jeu, en revanche le jeune Finnegan Oldfield est impressionnant dans le rôle du frère déterminé à retrouver sa sœur disparue… avec en bonus une scène finale aussi minimaliste que bouleversante. [7.5]
L’hermine - Christian Vincent
Deux prix à Venise donc pour L'hermine, ce film dans lequel un juge grippé et acariâtre, chargé de mener les débats pour le procès d’un homme jugé d’avoir tué son enfant, retrouve une femme dont il est tombé amoureux quelques années plus tôt, alors qu’il était l’hôpital. Pour cette histoire dont a du mal saisir les enjeux et à laquelle on a un peu de mal à croire, Christian Vincent donne le beau rôle à un Luchini tout en retenue et qui fait le taf. Pour le reste, de cette histoire d’amour sur fond de procès sordide aux dialogues maladroits, on ne retient finalement pas grand chose tant tout ici semble convenu et parfois caricatural, avec ce jury mal composé dans lequel on retrouve Corinne Masiero dans son rôle habituel de grande gueule à l’accent ch’ti. Du cinéma sympathique mais très pépère. [4.5]
Notre petite sœur - Kore-Eda
Si l’on avait du décerné une palme d’or de la gentillesse, nul doute que Kore-Eda aurait reçu un prix cette année à Cannes. Après le bouleversant Tel père, tel fils, le japonais revient avec une chronique familiale intimiste. Si, esthétiquement, le film est très joli à regarder avec les habituels cerisiers en fleur, ces saisons qui changent, cette culture japonaise joliment filmée pendant deux heures, avec ce fond de mélancolie, cette délicatesse et cette douceur, toujours présente, côté scenario, c’est le néant, avec une histoire dont on se fout finalement complètement dont les enjeux dramatiques se résument à quasiment rien. Le film aurait pu durer 4 heures ça n’aurait rien changé du tout… en foot, on parlerait d’un bon 0-0. [4.0]
Seul sur Mars - Ridley Scott
On attendant à la fois tout et rien de ce film. D’un côté, un cinéaste inégal capable du meilleur comme du pire, et de l’autre un pitch et de moyens qui pouvaient laisser présager le meilleur, pourquoi pas un film à la portée philosophie, à l’égal du passionnant Interstellar ? Finalement, Seul sur Mars ne sera rien d’autre qu’un petit de SF de plus, malgré de belles qualités esthétiques. Car du côté de scénario et de l’écriture des personnages, c’est une vraie déception. De ce projet ambitieux, de cette idée de raconter la vie d’un homme seul abandonné dans à des millions de kilomètres de toute vie humaine et devant composer avec la solitude et les moyens du bord, Ridley Scott tire une sorte de comédie dramatique sans la moindre profondeur psychologique. Les enjeux dramatiques sont réduit finalement à pas grand chose et on ne parle même pas des très grosses ficelles scénaristiques et du côté 100% Mac Gyver de Matt Damon pour donner un semblant de crédibilité à une histoire évidemment sans la moindre surprise avec un final en plus terriblement pompier. [5.5]
Le Fils de Saul - László Nemes
Il n’y a pas vraiment de mise en route pour ce film, car tout de suite, on est plongé dans l’enfer d’Auschwitz, avec ces cris, ce bruit, cette violence, cette sensation d’étouffement permanent. On suit à la trace Saul, la caméra bien collée à son épaule, avec cet homme cherchant un rabbin pour cet enfant mort qu’il croit être son fils. Sans effet et sans émotion, László Nemes livre un film brut, filmé comme un thriller dans une une course contre la montre, contre la mort, avec un personnage devant éviter les embuches pour arriver à cet objectif qui lui donne la force de résister. Un film radical, oppressant duquel on ressort épuisé. Une expérience de cinéma assez rare, un choc esthétique, un vrai film de festival. [7.5]
Ni le ciel ni la terre - Clément Cogitore
Ni le ciel ni la terre est un film à part dans le cinéma français actuel, il film étrange et dérangeant comme il nous en arrive trop rarement. Clément Cogitore sort des sentiers battus et nous propose un scénario sur fond de conflit avec deux camps qui s’épient plus qu’ils ne s’affrontent. Et puis les choses prennent une tournure étrange quand des soldats français disparaissent mystérieusement, près de leur base, aux confins de l’Afghanistan et du Pakistan. Un film de guerre fantastique qui tourne au huis-clos étouffant et malfaisant avec des images et des séquences très fortes, le tout porté par un Jérémie Renier tout en puissance et en tension. Un film qui vous reste mémoire longtemps après l’avoir vu. [7.5]
The Lobster - Yorgos Lanthimos
Après deux films assez inclassables dans leur genre, entre drame, poésie froide et humour noir (Canine et Alps), mais brillants pour leur mise en scène, le grec Yorgos Lanthimos était à Cannes cette année avec un film qui promettait de secouer la croisette. Mais on s’est finalement pas mal ennuyé devant The Lobster malgré une première partie kafkaïenne, assez réjouissante, aussi absurde que dérangeante, dans cet établissement, mi-pension de famille, mi-hôpital, où il est obligatoire pour chaque pensionnaire de trouver un(e) partenaire sous peine d’être transformé en animal. Et puis à mi-parcours, les choses se gâtent avec un scénario qui part dans une direction bizarrement différente, avec des personnages qui fuient à travers les bois pour un récit dont on ne voit pas le bout et surtout dont le propos devient de plus en plus embrouillé au fil des minutes. Beaucoup de bruit pour pas grand chose finalement. [5.5]