Vu au cinéma en 2015 : épisode 4
Films du printemps ne rime pas forcément avec ravissement. La preuve avec cette petite revue dans laquelle surnagent pourtant quelques films aussi singuliers que captivants.
Trois souvenirs de ma jeunesse - Arnaud Desplechin
Je suis rarement en symbiose avec les films de Desplechin. Ses personnages névrosés, ses histoires de familles compliquées, le côté très intellectuel de son écriture ne me satisfont que trop rarement. Débarrassé de ses tics et de ses marottes, cette fois, il parvient avec ce nouveau film, à me toucher vraiment dans un style qui nous ramène à Truffaut à travers le personnage hautement romanesque de Paul Dedalus dans une histoire qui ne l‘est pas moins. Les dialogues sont flamboyants, notamment dans la dernière partie, portés par de jeunes acteurs aussi doués que délicieux et qui contribuent beaucoup à la réussite de ce film mélancolique, nostalgie, émouvant et surtout brillant. [8.0]
À trois on y va - Jérôme Bonnel
Jérôme Bonnel revient à des choses plus légères, au cinéma de ses débuts, sans pour autant convaincre comme au temps du Chignon d'Olga et des Yeux clairs. Son histoire de faux ménage à trois et d’amours croisés était pourtant une très bonne idée à la base. Mais malgré des acteurs pétillants, un brin de poésie, des situation cocasses et quelques trouvailles, la sauce peine à prendre. Le scénario un peu trop superficiel manque cruellement de profondeur et ne convainc guère. Dommage car on l’aime bien ce garçon. [5.0]
Un homme idéal - Yann Gozlan
Sous les allures de polar chabroliens vintage, Un homme idéal a, au départ, tout pour séduire les amoureux de Simenon ou Boileau & Narcejac. Si le début est assez convaincant, avec un scénario un peu tiré par les cheveux mais habile avec une ambiance assez tendue, la seconde partie du film, en revanche, ne tient pas la route avec un scénario qui accumule les invraisemblances, si bien qu’au fil des minutes on ne croit plus du tout à cette histoire d’imposture, de roman volé et de gloire usurpée. [4.5]
The Voices - Marjane Satrapi
Marjane Satrapi a au moins un mérite, celui ne jamais se cantonner à un style de film. Car après le succès de l’adaptation de sa BD Persepolis, la dame a poursuivi son aventure cinématographique avec plus ou moins de bonheurs mais avec à chaque fois des projets assez casse-gueule et en tout cas très différents. The Voices constitue encore un changement de cap pour la réalisatrice iranienne qui œuvre cette fois dans le registre de la comédie horrifique. Justement récompensé à Gérardmer, The Voices, malgré des moyens assez limités, séduit par son ton décalé et par sa mise en scène colorée avec, comme personnage principal, un schizophrène pas piqué des vers. Une vrai bonne surprise. [7.0]
Men, Women & Children - Jason Reitman
Un couple d’ados qui s‘aime mais que des parents tentent de séparer… des écrans de smartphones et d’ordinateurs qui masquent l’absence de communication entre les êtres… on a souvent déjà vu ça au cinéma, mais pourtant on se laisse prendre par l’intimité et la justesse de ce récit, avec cette opposition entre générations. On voit dans ce film comment des familles, prisonnières de leurs écrans, se réfugient dans le monde virtuel pour mieux échapper au monde réel. Le film ne donne pas l’impression de juger ses personnages, mais offre plutôt un état des lieux de nos sociétés où les parents veulent interférer toujours plus dans la vie de leurs enfants sans se rendre compte des dégâts collatéraux que cela engendre. [7.0]
Réalité - Quentin Dupieux
Le cinéma de Quentin Dupieux, désormais reconnaissable entre mille, nous offre avec Réalité une nouvelle déclinaison du talent hors-norme de ce garçon appelé aussi Mr Oizo quand il fait de la musique. Ici, Alain Chabat, Jonathan Lambert et Elodie Bouchez sont au centre d’un scénario gigogne, une histoire à dormir debout, mais au fond assez fascinante, le tout dans des décors californiens presque irréels. Difficile à dire si ce film est meilleurs que les précédents, mais une chose est sûre, le cinéma de Quentin Dupieux, aussi codifié soit-il, avance, évolue, et nous offre à chaque fois un moment de plaisir incomparable duquel on ressort en se disant que c’est finalement rassurant que ce type de film soit encore faisable à notre époque. [7.5]