Une séparation, d'Asghar Farhadi
La plupart du temps je me méfie comme de la peste du consensus, de l’avis général surtout quand il est plus que positif (4.7 de moyenne sur allociné, on a rarement vu ça !). Du coup, c’est presque avec méfiance que je m’installai dans mon fauteuil pour voir si "Une séparation" était bien le film de l’année... ou pas.
Film de l’année, je ne sais pas, mais en tout cas le film du réalisateur iranien en a toutes les qualités, toutes les caractéristiques. Et s’il démarre d’une façon plutôt austère et minimaliste avec un long plan fixe sur un homme et uen femme expliquant à un juge le pourquoi de leur désir de séparation, la suite se révélera être un modèle de mise en scène et de cinéma tout court.
Sur un scenario brillant, d’une habileté incroyable, digne d’Alfred Hitchcock, Asghar Farhadi met en place ses personnages comme les pions sur un jeu d’échecs, les faisant avancer et reculer tout au long d’un film que l’on va suivre à la manière d’un thriller. Thriller parce que dans "Une séparation" il est question de meurtre, de coupable, de victime, de témoins, d’enquête et de rebondissements.
Une enquête au cours de laquelle se trouve un homme accusé d’avoir poussé dans l’escalier la femme qu’il employait pour qu'elle s'occupe de son vieux père atteint de la maladie d’Alzheimer. Cette chute aurait entrainé la mort de bébé qu’elle portait dans son ventre. Problème, en Iran ce type de délit est passible d’une peine de prison, puisque dans ce pays, le fœtus est considéré comme un être vivant. Afin de contrer l’accusation de cette femme et de son mari, plutôt violent, notre homme va devoir se transformer en véritable Maître Vergès pour sauver sa peau.
Si ce film se regarde avant tout comme un suspense, on peut aussi y voir, en filigrane, une lutte des classes entre une bourgeoise progressiste et la classe pauvre qui se repose sur des valeurs religieuses.
Mais le plus impressionnant reste la manière avec laquelle Asghar Farhadi filme tout ça. En suivant ses personnages pas à pas, les filmant au plus près, dans leurs moindres mouvements, il invite le spectateur en tant que témoin de ce drame, au cœur de l’action, l’obligeant sans cesse à prendre parti pour l’un ou pour l’autre selon les situations, selon les moments du film. Sans trop savoir à quel sein se vouer, car ici point de manichéisme, le spectateur suit l’enquête, s’identifiant à l’un ou à l’autre qu’il jugera avec ses forces, ses faiblesses, tel un juré d’assises.
On ressort de tout ça totalement étourdi, épaté et un bluffé par une telle maîtrise formelle qui a le mérite de ne jamais se voir ou d’en faire trop. C ‘est aussi la marque des grands réalisateurs.
[9/10]
Une Séparation
Drame iranien de Asghar Farhadi
Durée : 2h03
Sortie : 8 Juin 2001
Avec Leila Hatami, Peyman Moadi, Shahab Hosseini