Patrick Modiano : Un pedigree
Sorte de best-of en forme de journal intime, "Un pedigree" raconte Modiano tel qu’il fut dans sa jeunesse. Si tous les faits relatés ici résonnent bizarrement, c’est qu’il constituent sans doute la base de tout ce sera l’œuvre de Modiano au cours de ces quelques 35 dernières années.
Dans le style qui le caractérise depuis si longtemps et qui le rend unique, Modiano raconte ses parents, les gens qu’ils furent, mais aussi ceux qu’ils côtoyaient. D’abord durant l’occupation, puis durant les années 50, 60 avec chaque fois, en écho, des évènements (l‘occupation allemande, la guerre d’Algérie…) qui replacent invariablement son parcours dans un contexte politique et social bien marqué.
Dans ce livre, Modiano se raconte, sans détour, de la même manière qu’il racontait les destins obscurs de ses personnages dans ses romans. Il parle de son père, homme éminemment énigmatique et détaché, de sa mère, artiste parisienne et sans amour pour son fils, toujours trop loin de lui. Modiano cite des dates, des lieux, des personnages des noms de comtes ou de barons. Il nous parle de sa vie en pensionnat du coté d’Annecy. Et chaque souvenir, évocation rappelle un titre de roman : "De si braves garçons", "Dimanches d’août", "Du plus loin de l’oubli", "Une jeunesse", "Un cirque passe"…
Et l’on comprend alors tout ce qui an nourri ces beaux romans, tout ce qui a servi de ferment à une littérature foisonnante, mais toujours écrite de la même manière, avec des thèmes et des ambiances de mélancolie et de profonde tristesse cent fois retrouvées ici et là.
"Un pedigree" lève donc le voile sur l'homme Modiano sans toutefois nous surprendre tant il nous a habitué par le passé à évoquer les moments de sa vie relatés ici mais de manière peut-être moins directe. Et si ce livre se démarque quelque peu de ses romans de toujours, il n’en est pas moins le complément parfait pour une oeuvre qui reste singulière et bouleversante à jamais.
[9.5/10]
Éditions Gallimard- 122p, 12.90€ - 2005
ÉditionsPoche Folio -130 pages - 5.50€