"Les Passagers de la nuit", un film magnétique de Mikhaël Hers
Après Ce Sentiment De L'Été et Amanda, Mikhaël Hers continue de filmer dans Les Passagers de la nuit des personnages fragiles et sincères. Un long métrage encore une fois très beau et plein de délicatesse.
Mai 1981, François Mitterrand vient d’être élu, la gauche est au pouvoir et un sentiment d’enthousiasme gagne les Français. Elisabeth, elle, semble loin de tout ça, cherchant à se reconstruite après une séparation compliquée. Derrière la grande baie vitrée de son appartement, dans ce quartier de Beaugrenelle à l’architecture très 70’s, Elisabeth domine la Maison de la radio, écoutant les émissions nocturnes de Vanda Dorval. Cette dernière l'invite et finit par lui proposer un poste de standardiste dans son émission, Les passagers de la nuit. Elle y rencontre Tallulah, une jeune toxicomane paumée qu’elle décide d’accueillir chez elle…
Comme dans les précédents films de Mikhaël Hers, les liens familiaux sont au cœur du récit, avec ici une famille plutôt bienveillante, dans l’écoute et le respect, dans laquelle chacun se construit, acceptant les failles, les tourments, les errements des autres…
Très vite une atmosphère s’installe dans le film, extrêmement mélancolique, avec ces années 80 reconstituées de manière très poétique par Mikhaël Hers, filmant le quartier de Beaugrenelle presque comme un personnage à part entière, parfois en 16 mm, et auquel il ajoute des images d’archives, des extraits d’un documentaire de Claire Denis sur Jacques Rivette.
Le tout forme un ensemble assez mystérieux et fascinant auquel les séquences réalisées dans les studios de France inter avec ses tons vintage apportent également une touche nostalgique.
Les personnages aussi sont très beaux. Charlotte Gainsbourg est bouleversante, incarnant là un de ses plus beau rôle à ce jour, quant à la jeune Noée Abita, avec son phrasé typique de l’époque, qui évoque des personnages du cinéma de Rohmer, elle est renversante de fraîcheur et de spontanéité. Plus généralement, la plupart des personnages principaux ou secondaires se révèlent touchants par leur sensibilité, leur fragilité, leurs doutes, leurs espoirs…
Même si le film peut paraître un peu long par moment, même si on n’est pas bouleversé comme on l’avait été par Amanda ou Ce Sentiment De L'Été, il y a, à chaque instant, une petite musique triste qui vous trotte dans la tête et qui vous conduit comme dans un sorte de déambulation quasi modianesque dans les rues, les espaces de ce quartier filmé de nuit avec beaucoup de grâce et d’inspiration.
Un film qu'il faut laisser décanter et qui murit tout doucement en vous après son visionnage...
❤❤❤
Les passagers de la nuit
Film français réalisé par Mikhaël Hers
Avec Charlotte Gainsbourg, Noée Abita, Quito Rayon Richter…
1h51min - 4 mai 2022